L'anxiété rend le monde malodorant

Mots clés : odorat, anxiété, stress

Par Marie-Noëlle Delaby -

Le stress perturberait notre odorat, selon une récente étude américaine.

Les expressions pour exprimer notre humeur sont souvent visuelles: voir la vie en rose, broyer du noir, avoir le blues… A quand leurs équivalents olfactifs? Une étude de l'université du Wisconsin vient en effet d'établir que l'anxiété modifiait notre perception des odeurs, rendant désagréables des effluves jusque-là perçues comme neutres.

Crédit photo: Flickr/Gotosira

 

L'influence de nos émotions sur notre perception des odeurs est un domaine encore peu exploré par la science. C'est pourquoi le Dr Wen Li s'est attelée à mieux décrypter les processus biologiques mis en jeu entre l'odorat et les centres émotionnels du cerveau. Elle a livré les résultats de ses travaux dans la revue scientifique The journal of neuroscience daté du 25 septembre. «Nous avons étudié, grâce à l'imagerie par résonance magnétique (IRM), l'activité cérébrale des cerveaux de 12 volontaires exposés à un panel d'odeurs. Lors de leur première confrontation avec ces effluves, celles-ci étaient qualifiées de neutres par les participants, explique la chercheuse en neuropsychologie. Il leur a ensuite été demandé de regarder une série de textes et de photos perturbants, évoquant par exemple des accidents de voiture ou la guerre, pour induire un stress. Invités à sentir de nouveau les mêmes odeurs, celles-ci leur ont paru clairement désagréables», constate le Dr Li. Un ressenti désagréable qui aurait tendance à s'accentuer à mesure qu'augmente l'anxiété des volontaires, selon les résultats de l'étude.

 

L'anxiété engendre un «recâblage» dans le cerveau

L'imagerie médicale a révélé que deux circuits cérébraux distincts et généralement indépendants, le circuit dédié au traitement olfactif et celui dédié à l'émotion, devenaient intimement liés dans des conditions de stress. «En temps normal, lorsque le cerveau traite une odeur, seul le système neuronal olfactif est activé. Et bien que les circuits cérébraux impliqués dans le traitement de l'odorat et de l'émotion se situent anatomiquement à proximité l'un de l'autre, leurs interactions demeurent limitées, rappelle Wen Li. Mais lorsque l'anxiété se développe, le système émotionnel participe au flux de traitement olfactif. On observe alors un réseau unifié entre les deux systèmes. Il semble que l'anxiété provoque un “recâblage” des circuits impliqués dans le traitement des odeurs, permettant à des données émotionnelles de s'introduire dans ce circuit, avec pour finalité le fait de «ressentir» de mauvaises odeurs». Des résultats qui pourraient, selon l'équipe de l'université du Wisconsin, éclairer davantage les mécanismes impliqués dans les épisodes d'anxiété. Cela pourrait notamment aider le monde médical à mieux appréhender le phénomène de cercle vicieux qui nous incite à voire le monde négativement sous l'effet du stress, nous rendant davantage anxieux. Reste à vérifier si l'inverse est vrai: le monde sent-il meilleur lorsque nous sommes heureux et détendus?

Source : Figaro.fr